« Aujourd’hui, en dehors d’un engagement politicien, j’ai un engagement au profit de la collectivité et des autres maires à l’échelle nationale »
Conseiller départemental du canton de Châteauroux 3, il est le 6ème vice-Président délégué au Patrimoine et à l’aménagement numérique du territoire. Dans le même temps, Marc Fleuret, Président du conseil départemental de l’Indre depuis juillet 2021 reste conseiller municipal de Déols, importante ville qui touche Châteauroux et vice-président de Châteauroux métropole. Une façon de s’assurer que les quatre collectivités : Châteauroux, Châteauroux métropole, Déols, Département de l’Indre, travaillent dans le même sens ?
Pouvez-vous vous présenter ?
D’un point de vue électif, je fus maire de Fontguenand de 2008 à 2014 puis maire de Châteauroux depuis 2014, réélu en 2020. Je connais évidemment bien ce département de l’Indre mais plus généralement l’architecture territoriale française.
Politiquement, je me suis investi notamment chez les Républicains, ex-UMP, ex RPR. J’ai présidé le comité des maires qui fédérait le réseau d’élus du territoire ; véritable force de ce parti
Aujourd’hui, engagé au profit de Châteauroux mais des autres maires à l’échelle nationale, avec la présidence de Villes de France depuis septembre 2022, après la nomination de Caroline Cayeux au gouvernement.
Il s’agit, pour moi, de porter localement des projets ambitieux sur la ville et l’agglomération de 73.000 habitants que je préside composée de 14 communes.
On travaille de manière concertée, consensuelle avec un groupe de maires qui s’entend bien et très souvent les délibérations sont votées à l’unanimité.
Notre voulons développer notre territoire autour de sa jeunesse. Avec deux axes forts : l’enseignement supérieur et la formation professionnelle.
Avec en ligne de mire le développement économique. Car pour un développement économique efficace, il faut une main d’œuvre qualifiée, correspondant aux besoins des entreprises. Nos jeunes doivent donc pouvoir suivre des filières d’enseignement supérieur adaptées aux besoins des entreprises, ou pour ceux en activité professionnelle de se reconvertir. C’est souvent le cas dans des villes moyennes qui ont beaucoup souffert de désindustrialisation, d’extension périphérique et qui ont dû faire face au départ soit de régiments militaires, soit des
filières. Je pense historiquement à la confection, l’industrie en général avec des fermetures souvent symboliques mais douloureuses, de pans entiers de l’industrie qui entrainent d’obligatoires reconversions professionnelles.
On a beaucoup parlé, il y a quelque temps déjà, d’un grand projet avec les Chinois. Qu’en est-il ?
Il s’agit d’un projet de la fin des années 2000.
En 2007, la région Centre-Val de Loire prend la gestion de l’aéroport de Châteauroux. Cet aéroport est un peu emblématique de la ville parce qu’il a été le siège de la présence militaire américaine, devenue une base de l’OTAN au lendemain de la Seconde guerre mondiale, une base à vocation européenne. C’est une base logistique d’approvisionnement. Alors, la ville et le département de l’Indre prennent un essor particulier. La ville passe ainsi de 35 000 habitants à 55 000 avec la présence américaine et tout ce que ça amène de modernité.
Cet aéroport possède des atouts importants, dont une piste de 3500 mètres. Donc la région Centre-Val de Loire s’y intéresse. En 2007, sous le gouvernement Raffarin, une loi de décentralisation vient permettre d’expérimenter de nouvelles compétences pour la région. Chez nous, la Région Centre-Val de Loire devient alors propriétaire et gestionnaire de l’aéroport
Une représentation permanente en Chine de notre région s’organise, au profit des entreprises de la région Centre avec des visites d’entreprises régionales en Chine, mais également des délégations chinoises qui viennent en région Centre. Parmi les objectifs fixés, on trouve la promotion du développement de l’aéroport de Châteauroux. Une délégation chinoise y vient et trouve que les disponibilités foncières de Châteauroux rendent possible une implantation pour y développer un pôle d’enseignement supérieur international et puis une zone d’activité au gré des besoins de développement des entreprises chinoises.
La partie enseignement supérieur se met en place et dès la première année et jusqu’en 2019, chaque année des promotions d’étudiants chinois sont formées. Et cela, jusqu’à 120 étudiants par an.
Et puis le Covid arrive et ça s’arrête, sans reprendre depuis.
La partie industrielle se concrétise par la construction d’un bâtiment qu’on appelle le Citech que les Chinois font construire par une société française, Vinci Construction,
dans laquelle ils ont vocation à accueillir des entreprises. L’exercice fonctionne mal, pour quelques entreprises au début, mais cela ne perdure pas. Ils sont aujourd’hui dans une phase de redéploiement et vendeurs du site.
Le deal qui a été pris avec eux était de leur vendre des terrains au fur et à mesure des projets. Comme il n’y a pas eu d’autres projets que de construire le premier bâtiment dans lequel ils sont installés, nous n’avons vendu qu’un seul petit terrain sur lequel a pris place la construction du Citech.
Les choses ont beaucoup changé sur ce site militaire, car beaucoup d’entreprises se sont installées. Aujourd’hui, tout a été reconverti. On a une implantation emblématique qui est
la Fédération française de tir, avec son centre national de tir sportif qui est un site olympique dans le cadre des JO 2024. Tout le développement se fait autour de ce centre national, d’une multitude de petites entreprises ou de grosses qui sont installées autour, notamment une société qui reconvertit du matériel militaire pour le vendre. On a de belles entreprises sur le territoire. Cette expérience chinoise, qui aurait pu fonctionner, on ne regrette pas de l’avoir tenté.
Pensez-vous avoir amélioré, de par vos différentes fonctions, l’image de Châteauroux ?
Oui, clairement ! Il s’agissait d’inverser l’image de la ville. Se forger une image représente un travail de longue haleine. Nous avons souhaité accélérer les choses, accueillir de l’événementiel, un rayonnement national et international. Nous l’avons fait notamment avec les championnats du monde de voltige aérienne à deux reprises sur l’aéroport de Châteauroux, avec plus de 50 000 personnes.
Il y a aussi eu l’élection de Miss France 2017 qui a été un déclencheur et qui a permis de braquer les projecteurs d’une grande audience de la télévision sur Châteauroux et qu’on a réitéré cette année pour la deuxième fois.
Nous avons accueilli d’autres événements comme le Tour de France, beaucoup d’épreuves sportives, notamment du triathlon. Nous voulons équiper notre territoire avec des outils qu’on ne trouve pas ailleurs, comme le MAT 36 qui est une sorte de mini zénith, qui nous a permis d’accueillir deux fois Miss France. Nous avons développé, en parallèle avec le Département de l’Indre, des équipements sportifs assez uniques.
Il en va de la Plaine des sports, qui est un lieu où on concentre toutes les pratiques sportives possibles, du golf au basket en passant par le vélo, le tennis… Nous avons à côté le stade de la Margotière, qui est notre terrain d’athlétisme. Et aussi un site de tir à l’arc, un skate-park, l’un des plus beaux de France. C’était d’ailleurs notre première construction, et il a vraiment fait notre renommée auprès de la jeunesse. S’y est adjoint une piste de BMX. Le fait de donner une image jeune d’équipements sportifs et qui correspondent à la demande de la jeunesse et de la population a aussi contribué à valoriser notre identité.
Nous nous sommes aussi battus pour les Jeux olympiques. Il n’y a pas beaucoup d’autres villes à accueillir des épreuves. Nous serons l’un des seuls sites avec Saint-Denis, Marseille et Tahiti, en dehors de Paris, à avoir des épreuves complètes de tir olympique et tir paralympique. D’ailleurs, la première médaille des Jeux Olympiques de Paris 2024 sera remise à Châteauroux, et je l’espère pour une tireuse française !
« la première médaille des Jeux Olympiques de Paris 2024 sera remise à Châteauroux, et je l’espère pour une tireuse française ! »
Votre stratégie, votre ambition, c’est donc de ramener un maximum d’événement national sur Châteauroux !
Tout à fait pour se faire connaître. Aujourd’hui, je pense que Châteauroux est beaucoup moins confondu avec Châtellerault ou Châteaudun…
On a une bonne image dans les médias, les investisseurs reviennent, la population augmente puisque l’on a gagné près de 300 habitants. Je pense qu’on a vraiment inversé la spirale infernale du dépeuplement. Il y a une vraie dynamique à l’échelle de l’agglomération.
Le troisième volet, en dehors des événements et des équipements, est surtout la transformation physique de la ville. Depuis 2014, notre équipe municipale a vraiment attaché une importance particulière à transformer profondément l’image de Châteauroux, avec des rénovations entières, notamment du centre-ville, avec une réorganisation de tout l’espace urbain, du mobilier urbain, les pavés partout, des rues piétonnes. A l’échelle du centre-ville, mais aussi dans de nombreux quartiers. L’image physique même de la ville a changé. Le dispositif national Cœur de ville qui était porté par la ville de France a permis de mettre en place toute une batterie d’accompagnement à l’installation des commerçants. Entre les ouvertures et les fermetures, nous sommes depuis le 1ᵉʳ janvier 2017, à 40 implantations supplémentaires en centre-ville. Avant, on avait une seule rue qui était l’atout principal, il n’y avait pas de rue annexe.
Votre premier vice-président à l’Agglo est le Président du Département, comme cela se passe-t-il ? J’imagine que ça simplifie les échanges.
On se connaît depuis longtemps parce qu’il était mon adjoint aux sports au mandat précédent. Il a ensuite été candidat à Déols dont il a été élu maire. Mais au bout de six mois, il y a des élections départementales. Il est devenu président du département et premier vice-président de l’Agglo en charge de la mobilité. On travaille tous main dans la main en permanence et c’est une équipe globale. Et ça aussi, c’est vraiment une des clés de notre succès. Quand on se bat comme des chiens pour obtenir les Jeux olympiques, je peux vous que c’est parce qu’on y va vraiment main dans la main avec le président du Département ! Il n’y a pas une feuille de papier à cigarette entre lui et moi. On travaille aussi très bien avec la Région, même si on n’est pas dans la même majorité politique. On fait passer l’intérêt du territoire avant les intérêts partisans.
On sent chez vous l’homme politique au niveau national et pragmatique, capable de de travailler intelligemment avec le président de la Région dans l’intérêt du territoire.
Il y a le temps des campagnes électorales où chacun défend ses convictions, sa vision du territoire, son programme politique. Et puis après, les habitants choisissent et quand ils ont choisi, il y a l’exécution du mandat qui nous a été confié. Les électeurs ne nous élisent pas pour qu’on se batte pendant six ans contre l’autre. Ils nous élisent pour qu’on fasse avancer le territoire avec un programme.
Il y a le travail avec le président de la Région, comme avec le Président de la République ! Le président Macron a été élu, ce n’était pas mon candidat. C’est l’intérêt de nos concitoyens qui doit primer. On reviendra en campagne politique au moment des élections !
Vous avez été élu il y a quelques mois à la présidence de Villes de France. Quels sont vos principaux chantiers ?
Nous avons trois chantiers.
Le premier, c’est la poursuite de celui déjà engagé, à savoir le volet II d’Actions Cœur de ville. Politique qui a été élaborée conjointement entre Villes de France et le Gouvernement. Le comité des financeurs regroupe la Caisse des dépôts, Action logement, l’Agence nationale de l’habitat et Ville de France. Le premier volet a duré cinq ans et s’est terminé le 31 décembre 2022. Maintenant c’est Actions Cœur de ville deuxième génération qui a démarré au 1ᵉʳ janvier 2023 jusqu’au 31 décembre 2026. Il réitère les engagements qui avaient été pris sur le premier dispositif en y ajoutant automatiquement la gestion des quartiers gare et des entrées de ville. Ce dispositif a permis de redynamiser les centres villes, sur la partie commerciale, sur la partie logement, sur la partie espace public.
Le deuxième chantier, véritable enjeu phare de l’année, c’est adosser aux villes moyennes l’image de la réindustrialisation française ! On pense que les villes moyennes sont les territoires idéaux pour refaire le lien entre ville et secteur rural, et ainsi ramener sur le territoire, au plus près de nos concitoyens, ces emplois industriels qui faisaient la force de notre pays et son ancrage territorial. Nous les avons perdu au cours de ces 40 dernières années. Aujourd’hui, dans l’après crise sanitaire qu’on connaît avec la volonté gouvernementale de relocaliser et de retrouver de la souveraineté nationale dans la production de médicaments, en matière d’armement, et dans tout ce qui est consommé au quotidien, les villes moyennes qui disposent encore de foncier, qui ont des moyens de formation doivent les mettre au service de l’industrie ! D’ici l’été 2023, Villes de France va apporter une contribution à l’Etat sur ce sujet-là en apportant des préconisations très précises en appui de Territoires d’industrie. Il faut donner un coup d’accélérateur.
Enfin, le troisième sujet qui va nous occuper est celui des quartiers. Dans la politique de géographie prioritaire, c’est-à-dire de réduction des inégalités sociales à l’échelle des villes, on a accumulé des ressortissants étrangers ou des gens sans qualification ou sans travail. Là-dessus, on arrive à une nouvelle génération de ces Contrats de ville. Ville de France souhaite aussi contribuer dans cette réflexion, telle qu’on la verrait de manière efficace, en s’appuyant toujours une solution assez simple : sur le maire en tant que chef de file. La force du dispositif, c’est le cadre national, mais qu’il y a des déclinaisons locales spécifiques. Car à chaque fois, on a demandé aux maires de piloter le groupe localement et nous sommes arrivés en mettant les mêmes parties prenantes autour de la table à des contrats différents parce qu’ils sont à chaque fois adaptés aux caractéristiques du territoire.
« Et je n’ai pas envie d’être ministre pour être ministre… «
Votre poste de Président de Villes de France, c’est la dernière manche avant de devenir ministre?
Moi, je me suis investi à Ville de France avec la volonté d’y rester et de durer, puisqu’en plus, le mandat se termine à l’été 2023. Je finis le mandat de Caroline Cayeux. En juillet, je serai à nouveau sur la sellette en me soumettant au vote du conseil d’administration de Villes de France. Mon engagement est sur la durée. Aujourd’hui, je me consacre vraiment à ma ville, à la défense des villes. Si un jour un engagement national était proposé, il faudrait déjà que ça corresponde vraiment à mes compétences. Je n’ai pas été candidat aux législatives car je préfère le mandat local.
Et je n’ai pas envie d’être ministre pour être ministre…